Espérance
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L’Eglise face aux défis de la modernité, par le Cardinal Jozef De Kesel

L’Eglise face aux défis de la modernité, selon Mgr De Kesel
Dans le cadre des conférences de RivEspérance, le cardinal Jozef De Kesel a abordé la question de la modernité en lien avec le sécularisme et la crise écologique. Constantin revient sur les propos tenus par le cardinal lors du « Forum citoyen et chrétien » qui s’est tenu les 4, 5 et 6 novembre 2016 à Namur.
« Accepter la modernité. Nous vivons la fin de la culture chrétienne », prescrit le cardinal Jozef De Kesel à l’Eglise qui s’est longtemps opposé à la modernité « jusqu’à ce que Vatican II dise oui », précise-t-il au cours de sa conférence sur le thème « Chrétien et moderne » donnée le 5 novembre 2016 dans la salle Vauban de l’Université de Namur. Le souci du pape François est d’ouvrir l’Eglise au monde pour un intérêt « aux questions de société », s’empresse de se justifier Mgr De Kesel sur l’engagement en faveur de la protection de la nature. Le thème de cette édition 2016 de RivEspérance est d’ailleurs « Habiter notre maison commune », des termes empruntés directement à l’Encyclique Laudato Si’ du pape François.
« La crise écologique est aussi spirituelle, morale et culturelle », insiste Mgr De Kesel. Citant Lumen Gentium du concile Vatican II, il érige les éléments de la nature en « créatures », et le sort du monde en « sacrement ». En Occident, la mission de dominer la terre se confond à « l’exploitation. La nature est un objet à la disposition et à la liberté de l’homme. Il n’y a pas d’anthropocentrisme exagéré dans l’Ancien Testament. » Pour le conférencier, la crise écologique « est une limite de la modernité. » Dans la recherche d’avantages, on se demande toujours « Pourquoi m’engager pour des générations futures que je ne connaîtrai pas ?», parodie Mgr De Kesel face à la nécessité d’une « spiritualité écologique », de simplicité volontaire, de pauvreté heureuse et de décroissance volontaire.
Privatiser
La question de la modernité « m’habite depuis longtemps », confie Mgr De Kesel dans sa réflexion sur la place de l’Eglise, du christianisme et de la religion dans la société. Et sur « la tendance à privatiser la religion en la retirant de l’espace public. Le christianisme a formé la culture et la société occidentales. La religion faisait partie de la culture. Les idées, les conceptions morales, le droit et l’art sont conditionnés par la pensée religieuse », sans que « chacun soit un ardent croyant. » Le christianisme n’est pas qu’une « interprétation de la vie. Il vise aussi à changer la vie. L’Eglise n’est pas là que pour la catéchèse et la liturgie, mais aussi pour des problèmes de société. » Ce rôle semble maintenant impossible dans un contexte multiculturel et sécularisé marquant la fin « d’une religion culturelle. » Ce changement est un défi unique pour l’Eglise car « pour la première fois, on voit la religion autrement », fléchit Mgr De Kesel sans rompre sous le poids de la peur d’un « sécularisme dogmatique [qui] annonce la fin de la religion. La culture moderne n’apporte pas de réponse à toutes les questions de l’homme. Elle ne donne pas un sens à ma vie et à mes engagements, mais crée un vide qu’elle ne peut combler. Elle nous garantit le vivre-ensemble et nous permet de respecter la liberté et l’altérité grâce à l’autorité publique», enchaîne l’orateur dans une fermeté que le père Charles Delhez a vite remarquée en tant qu’animateur de la conférence.
Luther
A ces limites de la modernité s’ajoute la « crise existentielle. Beaucoup de personnes sont en quête de sens. Ce qui contraste avec l’Afrique où il y a une grande joie de vivre dans la pauvreté. » Mgr De Kesel scande : « rien ni personne ne peut nous empêcher d’être chrétien dans notre contexte. L’homme est libre de croire ou de ne pas croire. C’est une exigence de la modernité et de l’Eglise car, la liberté du chrétien est très importante pour l’avenir de l’Eglise et pour découvrir le cœur de notre foi », s’appuie-t-il sur l’exemple de Luther dont on célèbre cette année les 500 ans de la réforme. L’Eglise doit accueillir la grâce de la crise actuelle liée à la culture moderne pour prendre « la route vers l’inconnu. Vatican II a été convoqué à cause des changements. » Pourtant, la modernité n’est pas une réponse. Outre la radicalisation de l’islam, il y a « la radicalisation de la modernité. Il faut la postmodernité. L’Eglise doit abandonner un certain passé. Commençons nous-mêmes par respecter l’autre n’ayant pas les mêmes attitudes de vivre sa foi que nous. Il est important qu’il y ait des communautés islamiques, judaïques comme nous en avons ici en Belgique. » Devant la pénurie des prêtres qui fait dire à un participant que « les brebis ici en Belgique se sentent seules », le conseil est de ne pas s’isoler. L’espoir repose sur le diaconat permanent réinstauré. L’ordination des hommes mariés et des femmes suggérée dans le public serait une solution mais « ce n’est pas à moi de décider », répond-il pour le premier cas, tandis que pour le second il renvoie à une récente interview dans laquelle « le pape a rappelé que la question a été tranchée par Jean-Paul II. »