Saint du Jour SAINTE MARIE-MADELEINE DE PAZZIS, VIERGE (1566-1607)

L'admirable Sainte, une des gloires les plus pures du Carmel, une des plus grandes mystiques de l'Église, naquit à Florence le 2 avril 1566, de Camille Géri de Pazzis et Marie Buondel-monte, qui tous les deux appartenaient à la plus haute noblesse de leur pays. Elle fut appelée Catherine au baptême, en l'hon-neur de la vierge de Sienne, et comme elle, dès sa petite enfance, se montra inclinée vers la charité et la prière. Elle aimait à faire l'aumône, qu'elle prélevait sur son modeste goûter ; elle se plaisait à l'oraison. Le Père Rossio, de la Compagnie de Jésus, lui en enseigna la pratique quand elle n'avait encore que dix ans. Dès lors elle se livra dans l'isolement à la méditation, et plus d'une fois, après l'avoir cherchée longtemps, on la trouva dans quelque lieu solitaire, toute perdue en Dieu. Surtout elle ressentait un tendre amour pour la sainte Eucharistie ; elle se serrait contre sa mère, elle refusait de s'éloigner d'elle, elle en aspirait le parfum secret, lorsque celle-ci avait reçu la commu-nion. Aussi avait-elle hâte d'y être admise elle-même. Le Père Rossio l'y invita avant qu'elle fût dans sa onzième année.
C'est le 25 mars 1576 qu'elle eut ce bonheur; dès lors il lui fut accordé au moins tous les huit jours. Et, se demandant com-ment elle pourrait reconnaître un tel bienfait de Notre-Seigneur, le jeudi saint, 19 avril de cette même année, par inspiration divine, elle fit le vœu de virginité. Dieu lui accorda d'y être si fidèle, qu'elle mourut sans avoir, de son propre aveu, connu rien de ce qui peut nuire à cette vertu.
En 1580, Camille de Pazzis fut nommé gouverneur de Cor-tone. En partant pour cette ville, il laissa, sur le conseil du Père Blanco, recteur du collège des jésuites et confesseur de toute la famille, Catherine aux soins des religieuses du monas-tère de Saint-Jean. Cette enfant de 14 ans les charma et les édifia si bien, qu'elles eussent bien aimé la recevoir dans leurs rangs. Plus d'une fois elles le lui offrirent ; mais Dieu ne la des-tinait pas à leur Ordre. Du moins Catherine, dans cette sainte maison, sentit s'accroître son désir de la vie religieuse. Quand son père revint, elle lui déclara qu'elle avait renoncé à toute alliance humaine et voulait se donner à Dieu. Camille de Pazzis, animé de la foi la plus vive, fit généreusement le sacrifice de sa fille bien-aimée. Plusieurs couvents lui furent proposés, qui lui plaisaient à des titres divers ; elle choisit celui des Carmélites de Sainte-Marie-aux-Anges parce que les religieuses y avaient l'habitude de la communion quotidienne. Le 16 août 1582, elle était admise à faire une retraite ; mais, selon l'usage, revenue pour trois mois dans sa famille, ce ne fut que le 1er dé-cembre, veille du premier dimanche de l'Avent, qu'elle entra au couvent. Le 30 janvier, elle prenait l'habit et recevait le nom de Marie-Madeleine.
Dès l'abord la novice fit paraître une ferveur extrême ; exemple de toutes ses jeunes compagnes, elle s'appliquait à pratiquer la vie commune dans toute son exactitude, la préfé-rant même à l'oraison, qui jadis faisait ses délices ; elle excel-lait dans l'humilité et l'obéissance ; elle enveloppait ses sœurs dans la plus aimable charité et les édifiait par des conversations pieuses si admirables qu'on les conservait déjà par écrit. Cependant, l'année de noviciat terminée, le conseil songeait à retarder la profession de Marie-Madeleine, pour la faire coïncider avec celle de plusieurs autres. « Vous ne voulez pas m'accorder la faveur de me donner à Dieu, dit l'hum-ble novice dans son chagrin ; mais vous y serez forcées. » Et bientôt en effet elle tomba malade, si malade, que, réduite à l'extrémité, on crut qu'il était temps de lui faire prononcer ses vœux. Elle les prononça donc le jour delà Trinité, 27 mai 1584.
Et comme on l'avait ensuite reportée dans son lit, où l'on pensait la voir agoniser, Dieu la ravit dans une première extase qui dura deux heures. Quarante jours durant, après la commu-nion et après les vêpres, il lui renouvela cette grâce, lui donnant de voir se reproduire sous ses yeux toutes les scènes de la Passion.
Quelque temps après, la santé lui était miraculeusement rendue.
Tels furent les débuts d'une vie dont on a pu dire qu'elle fut « une extase continuelle ». Il est vrai qu'on a gardé plus de détails sur ses premières années, notamment de 1585 à 1590 :
c'est que, pour contrôler le caractère divin de ces faveurs, on avait ordonné à la sainte de s'en ouvrir à deux de ses sœurs, et que celles-ci en ont consigné le récit par écrit. Mais pendant les vingt-deux ans que Marie-Madeleine vécut dans le cloître, elle ne cessa d'être comblée des prévenances et des visites célestes. Alors, tantôt elle demeurait immobile, les yeux fixes, le visage éclairé par la joie ou assombri par la tristesse de ses visions, laissant échapper en courtes phrases les sentiments dont elle était pleine ; tantôt, comme emportée par le bras divin, on la voyait courir à travers le couvent, portant sur son cœur un crucifix et répétant : « 0 amour, amour ! Je ne veux pas, mon Dieu, cesser cle te nommer amour ! N'est-il pas vrai, chères sœurs, que mon Jésus n'est qu'amour? » En même temps elle était douée d'une vue pénétrante qui lui rendait présents les événements éloignés ou futurs et même le fond des âmes ; elle assistait au triomphe des saints ; et c'est ainsi qu'elle vit la gloire immense de saint Louis de Gonzague, qui venait de mourir. Et enfin les miracles se multipliaient entre ses mains, où Dieu déposait sa puissance.
Elle dut cependant, comme il arrive toujours, payer cher ces grâces merveilleuses. Dieu l'en avait prévenue. Il la pré-para à l'épreuve, en lui demandant d'abord de jeûner au pain et à l'eau, tous les jours sauf le dimanche, puis d'aller pieds nus par tous les temps, un vrai supplice au cœur de l'hiver.
Il la prépara surtout par des faveurs extraordinaires, accumulées entre le 24 mars et le 12 mai 1585. Successivement elle vit saint Augustin écrire sur son cœur ces mots : Verbwn caro facium est, en caractères d'or et de sang ; elle fut initiée aux douleurs de la Passion ; comme à Catherine de Sienne, sa patronne, Notre-Seigneur lui passa au doigt un anneau de fiançailles ; il posa sur sa tête une couronne d'épines, qui lui fut une souffrance de toute sa vie ; elle reçut enfin le Cœur même de Jésus dans sa propre poitrine. Mais le 16 juin de la même année commençait l'épreuve annoncée : Dieu lui en avait montré l'horreur et les instruments, en la faisant descendre, comme disait la Sainte, dans la fosse aux lions, où rugissaient les démons qui préparaient leur rage contre elle ; en même temps il lui disait d'avoir con-fiance, qu'il ne l'abandonnerait pas, invisible cependant, et qu'elle serait victorieuse. La tempête se déchaîna et tint toutes les promesses divines- : ce furent des assauts continuels et déses-pérés livrés à sa foi, à son humilité, à sa tempérance, à son espérance en Dieu. Ce qu'elle souffrit dans son âme et qui s'exprimait sur ses traits, par ses gestes, sa démarche, remplissait de pitié ses sœurs. Le démon s'acharnait sur son corps même, le précipitant du haut des escaliers, cherchant à l'étouffer, lui faisant sentir des morsures de serpent.
Au milieu de tant de douleurs, la Sainte restait ferme : « Je ne sais, disait-elle, si je suis une créature raisonnable ou sans raison ; je ne vois de bon en moi qu'un peu de volonté de ne pas offenser Dieu. » Mais cette volonté était si résolue, qu'aux derniers jours de sa vie elle affirmait : « Je quitterai ce monde sans avoir compris comment la créature peut se résoudre à commettre une offense contre son Créateur. » Elle cherchait la force de la résistance dans la prière, bien qu'elle lui fût sans goût, et dans les cruelles mortifications qu'elle ajoutait à ses tourments surnaturels. Enfin la délivrance arriva. Après lui avoir fait faire, pendant cinquante jours, une sévère pénitence des imperfections acceptées durant son temps d'épreuves, Dieu lui rendit la paix dans la nuit de la Pentecôte, le 10 juin 1590» tandis qu'au chœur on chantait le Te Deum. Alors, invitant ses .sœurs à partager sa joie, elle vit, dans une grande lumière, ses Saints préférés recevoir du Père éternel et lui apporter de splen-dides ornements, des bijoux d'un prix incomparable, dont ils la revêtaient et qui récompensaient magnifiquement ses douleurs.
Dès lors Marie-Madeleine reprit la vie commune, qui tous ces •temps lui était impossible. Mais ses ravissements ne cessèrent pas pour autant. Partout elle en était saisie, même au milieu des travaux les plus humbles : un jour on la vit en extase s'avan--cer à la sainte table et recevoir le pain eucharistique, les bras chargés encore des masses de pâte qu'elle pétrissait quand Dieu s'était emparé d'elle.
Mais bien plus que par ces dons extraordinaires, elle était admi-rable par ses vertus. Là était la véritable preuve de l'origine céleste de tant de faveurs. Son humilité surtout, peut-être, dépasse la conception humaine. Non seulement elle n'éprouvait aucun sentiment de complaisance à parler ou à entendre parler de ce qu'elle avait dit ou fait pendant ses extases, mais elle se croyait la plus grande pécheresse du monde. Un jour, pour détourner d'elle l'affection, qu'elle jugeait trop humaine, d'une novice, elle se jeta à ses pieds en s'accusant, comme de péchés, des tenta-tions par lesquelles elle avait passé ; et la novice, troublée, hési-tante, constatant la sainteté actuelle de la Mère, eut besoin d'une inspiration divine pour n'être pas prise au pieux strata-gème et convaincue de la plus merveilleuse des conversions.
Longtemps maîtresse des novices, la sainte fut choisie comme prieure en octobre 1604. Mais au bout de huit jours elle tomba malade. Depuis longtemps elle avait demandé à Dieu d'être privée de toute consolation et de beaucoup souffrir. Elle fut exaucée. Sa longue maladie fut une torture continuelle : maux de poitrine, maux de tête crucifiants, maux de dents qui, deux ans de suite, l'empêchèrent de dormir. Ses douleurs lui arra-chaient des cris parfois, qu'elle se reprochait ensuite comme des fautes. Et la pensée de la majesté divine les lui exagérant à l'infini, elle disait avec angoisse à son confesseur : « Croyez-vous, mon père, que je puisse être sauvée? » Enfin le mois de mai 1607 amena la délivrance. La sainte prieure recommanda à ses filles réunies près de sa couche trois vertus : la fidélité à l'observance religieuse, la simplicité dans l'exacte pauvreté et la dilection mutuelle. Le 24 mai, jour de l'Ascension, elle était à l'agonie ; on guettait son dernier soupir.
Mais la nuit s'était écoulée ; son confesseur devait aller dire la messe pour la communauté : il lui donna l'ordre d'attendre son retour pour mourir. Et, fidèle jusqu'au dernier souffle à l'obéis-sance, ce fut seulement quand elle le revit au pied de son lit que Marie-Madeleine enfin alla rejoindre son divin Époux, au, matin du 25 mai.
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Merci, c'est rectifié.