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Notre Dame des Spahis De Sidi-Bel-Abbès à Bayonne En 1947, devant l'extension de la ville de Sidi-BelAbbès, une communauté européenne de 400 habitants s'installe au lieu dit « Moulay Abdelkader », …Plus
Notre Dame des Spahis

De Sidi-Bel-Abbès à Bayonne

En 1947, devant l'extension de la ville de Sidi-BelAbbès, une communauté européenne de 400 habitants s'installe au lieu dit « Moulay Abdelkader », situé à environ 3 kms à l'est du centre ville. Ce faubourg est plus connu sous l'appellation du « camp des Spahis ». Celle-ci remonte à l'époque de la conquête de l'Algérie. En effet, la colonisation militaire par les smalas de Spahis comptait à la fin du second Empire 16 smalas. Cavaliers-colons, les Spahis devaient remplir une double fonction : l'une militaire et de police, l'autre agricole, afin de transformer la smala en ferme florissante. Chaque smala, le plus souvent d'une superficie de 10 à 12 hectares, était constituée de tentes regroupées autour d'un bordj destiné aux cadres et abritant les locaux nécessaires à la cavalerie, pouvant en outre servir de refuge en cas d'alerte.

Sur le terrain du camp des Spahis, les habitants du quartier fondent en 1947 un centre de catéchisme pour les enfants dans une modeste pièce.

Une chapelle provisoire est inaugurée en 1953. L'abbé Ouger y célèbre la messe chaque dimanche.

Le terrain appartient à Madame Veuve Casses, famille de cultivateurs et de minotiers. Elle offre le terrain en vue de la construction d'une véritable chapelle, celle existante étant devenue trop petite.

Comme la plupart des églises construites en Algérie, notamment en milieu rural, la population s'associe à des bénévoles pour mettre à exécution le projet. Monsieur Magliolo, architecte, tire les plans et assure la surveillance des travaux. Les cimenteries La Cado de Saint-Lucien fournissent le ciment et les artisans locaux prêtent leur concours. La Sainte Table en fer forgé provient de l'église Saint Vincent de Sidi-Bel-Abbès, tout comme l'autel en marbre blanc.

La chapelle constitue un ensemble de 25 mètres sur 8. Elle est dédiée à Notre Dame sous le vocable de l'immaculée Conception. Madame Casses fait réaliser une statue de la Vierge Miraculeuse, copie de celle de la rue du Bac à Paris (1) et l'offre à la chapelle. La statue prend place dans la niche de l'abside derrière le maître-autel.

La bénédiction de la première pierre est intervenue le 17 juin 1956. Le 10 février 1957, à 10 heures 15, Monseigneur Lacaste, évêque d'Oran, Béarnais d'origine, consacre la chapelle, entouré du chanoine Mas et de l'abbé Abadie, curé et vicaire de la paroisse Saint-Vincent et en présence du maire de Sidi-Bel-Abbès, Monsieur Dassie.

En 1962, l'indépendance de l'Algérie entraîne pillage et dégradation des églises, cimetières et autres lieux de culte catholique. La chapelle de l'immaculée Conception du camp des Spahis n'y échappe pas. Toutefois la famille Casses fait confectionner une solide caisse en bois dans laquelle est déposée avec beaucoup de ménagement la statue de la Vierge. Monsieur Casses y ajoute deux épis de blé dur, que Madame Llopis, sa fille, conserve toujours actuellement en souvenir de la minoterie de sa famille au camp des Spahis.

La caisse est extraite clandestinement, de nuit, et emmenée de la chapelle jusqu'à l'école de Sonis, au faubourg Thiers à Sidi-Bel-Abbès, tenue par des pères de Bétharram (2).

La famille Casses est rapatriée à Bayonne. En 1965, le « Léon Mazzella », dont l'armateur, Monsieur Mazzella, s'est replié à Bayonne venant d'Oran, ramène dans le port de Bayonne, sous la garde de son pacha, Monsieur de Gara, la statue de la Vierge. La famille Casses offre la statue à l'église Saint-André de Bayonne où elle est accueillie par le chanoine Soubelet, curé, de la paroisse. La Vierge est placée sur une colonne en bois, à droite du maître-autel. Elle est revêtue d'une robe blanche avec ceinture dorée, manteau bleu azur, la tête recouverte d'un voile blanc surmonté d'une couronne, les paumes des mains ouvertes le long du corps d'où partent des rayons dorés vers le bas. C'est en tous points une réplique de la Vierge Miraculeuse de la rue du Bac.

Cette statue devient pour la communauté « Pieds-Noirs » rapatriée à Bayonne et au Pays Basque un lieu de pèlerinage renouvelé chaque année le 29 mars. Une plaque apposée au pied de la statue porte la mention : « Notre Dame du Camp des Spahis de Sidi-Bel-Abbès ». À cette commémoration annuelle, les associations locales d'anciens Spahis ont pris l'habitude de participer, considération par extrapolation, puisqu'il s'agit pour eux de vénérer « Notre Dame des Spahi ».

C'est ainsi que Notre Dame du camp des Spahis de Sidi-Bel-Abbès a rejoint en France Notre Dame d'Afrique d'Alger et Notre Dame de Santa-Cruz d'Oran, pour ne citer que les plus connues. Curieux destin que soit née dans le fief de la Légion Etrangère la légende de Notre Dame des Spahis.

L'appellation complète et exacte devrait être : « Notre Dame de la Médaille Miraculeuse de la chapelle de l'immaculée Conception du camp des Spahis ». Que nos camarades passant par Bayonne n'hésitent pas à se rendre à l'église Saint-André pour demander à Notre Dame de veiller sur tous nos morts pour la patrie et l'invoquer au nom de tous ceux qui perpétuent les traditions de nos chers régiments (3).

Jean-Marie Doireau

(Extrait de l’Echo de l’Oranie n° 300)

Notes

(1) La Vierge est apparue pour la première fois en 1830 à une jeune novice des filles de la charité dans son couvent de la rue du Bac à Paris. La Vierge demanda à celle qui devait devenir Saint Catherine Labouré de réaliser une médaille dite « Miraculeuse » qui fut gravée en 1832 sur les indications de Catherine.

(2) Michel Garricoïts, né en 1797 à Ibarre (Pyrénées Atlantiques) chapelain du sanctuaire de Notre Dame de Bétharram, près de Nay (Pyrénées Atlantiques) fonde et anime la congrégation des « Prêtres du Sacré Cœur de Jésus », dite de « Bétharram » vouée à l'éducation de la jeunesse et aux missions.

(3) L'église Saint André est située dans le quartier du « petit Bayonne » entre Nive et Adour, à proximité du Château Neuf.

N.B : Le rédacteur de l'article tient à remercier : Mme Llopis, petite-fille de Mme Vve Casses pour son précieux témoignage et pour les documents.

Le Capitaine Jean Colas, Président, fondateur de l'Amicale des anciens du 2ème Régiment de Spahis Marocains.

Le Colonel et Mme de Mesnay de Bayonne, ayant séjourné à Sidi-Bel-Abbès pendant la guerre d'Algérie qui ont mis sur la piste de Notre Dame des Spahis.

Ont par ailleurs été consultés les ouvrages suivants : « Les Eglises d'Oranie » de Gandini - » L'histoire de l'Algérie de la fin de la régence turque à l'insurrection de 1954 » de Xavier Yacono ; ce dernier, décédé depuis, est également l'auteur d'un article paru dans la revue historique d'octobre/décembre 1959 (n°492 p. 347 à 394) sur la « colonisation militaire par les smalas de Spahis en Algérie ».
dvdenise
Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous.